Le 27 octobre 1936, après la projection spéciale du film au cinéma Le dôme à La Varenne-Saint-Hilaire, la production a décidé d’en modifier le dénouement : les 366 spectateurs présents ont eu à choisir entre 2 fins. 305 d’entre eux ont approuvé la version optimiste. Dans la 1ère conclusion, les amis se séparent et les 2 derniers s’entretuent pour une femme. L’un meurt et l’autre est arrêté. Pourtant le réalisateur et son scénariste Charles Spaak n’avaient pas caché leur préférence pour cette fin tragique. Mais les producteurs la jugeant trop pessimiste les obligent à en tourner une autre qui sera proposée lors de la sortie. Dans son émission de cinéma A2 diffuse le 7 novembre 1986 les 2 versions. La sortie tardive du DVD résulte de la mésentente entre le futur éditeur et les héritiers de J. Duvivier et de C. Spaak car ceux-ci voulaient rester fidèles aux souhaits des créateurs quand René Château ne renonçait pas au happy end. Condamné une 1ère fois puis de nouveau en 2011, l’éditeur est obligé de se conformer aux désirs du metteur en scène. Pathé présente donc une version restaurée avec la fin « pessimiste ».
Ce film est une œuvre témoin de l’esprit du Front populaire. 5 ouvriers parisiens au chômage gagnent le gros lot de la Loterie nationale et achètent un vieux lavoir dont ils veulent faire une guinguette. Tournage aux studios de Joinville pour les intérieurs et à Chennevières pour l’extérieur. La chanson interprétée par Jean Gabin est de Julien Duvivier, Maurice Yvain et Louis Poderat.
Julien Duvivier : Né le 8 octobre 1896 à Lille, il fait ses débuts au théâtre puis entre en 1918 chez Gaumont en tant que scénariste et assistant de Louis Feuillade, André Antoine et Marcel L’Herbier puis devient lui-même réalisateur d’environ 70 titres. 919 : un western Haceldama ou le prix du sang. Plusieurs films à sujet religieux à partir de 1920 (tout comme Golgotha en 1935). Il réalise quelque 15 films muets dont L’homme à l’Hispano en 1926. Harry Baur est le 1er interprète d’un film parlant en 1931. (il avait joué Hérode dans Golgotha avec Jean Gabin en Ponce Pilate). C’est ce dernier qui tourne dans Maria Chapdelaine en 1934. Les 2 hommes se retrouvent également l’année suivante avec La bandera, Pépé le Moko puis en 1943 dans un film réalisé aux Etats Unis L’imposteur et plus tard en 1956 pour Voici le temps des assassins. En 1937 est réalisé le 1er film à sketch de l’histoire du cinéma français : Un carnet de bal qui réunit une pléiade d’acteurs dont Fernandel Marie Belle et Louis Jouvet qui est à l’affiche de La fin du jour aux côtés de Michel Simon puis de Untel père et fils avec Raimu et Michèle Morgan, considéré comme râté. Durant la seconde guerre mondiale, le réalisateur repart aux USA (où il avait déjà tourné en 1938 Toute la ville danse sur Johann Strauss) et y conçoit 5 films avec des vedettes comme Rita Hayworth, Charles Boyer, Edward G Robinson, Barbara Stanwyck. Son œuvre la plus noire et la plus personnelle mais qui est un échec sort en 1946, Panique d’après Georges Simenon. En 1951, Paul Frankeur et Sylvie font partie des personnages dont les destins se croisent dans Sous les toits de Paris. Ce thème des toits est assez récurrent dans son œuvre. Cette même année sort le 1er volet de la série Don Camillo dont la suite Le retour de …date de 1953. Ces films rencontrent un vif succès et Jean Debucourt est la voix off du Christ (d’autres se prêteront à ce « rôle » dans d’autres réalisations comme Claude Rich qui est le serpent dans Le diable et les 10 commandements en 1962 et François Périer). Ce sont ensuite : L’affaire Maurizius en 1954 avec Madeleine Robinson et Daniel Gélin, Pot Bouille en 1957 avec Gérard Philipe. Marie Octobre en 1958 avec Danièle Darrieux offre une unité de temps, de lieu et d’action. Il est membre du jury au festival de Cannes. L’année suivante il offre à Brigitte Bardot le rôle que Josef von Sternberg avait confié à Marlène Dietrich dans La femme et le pantin. Il tourne, avec Robert Hossein, en 1963 Chair de poule d’après le roman de James Hadley Chase et on y retrouve le thème de la femme fatale et cynique. Epuisé, il réalise Diaboliquement vôtre avec Alain Delon en 1967 ; victime d’une crise cardiaque au volant de sa voiture, il décède le 29 octobre et repose dans le cimetière ancien de Rueil-Malmaison.
Outre les thèmes précédemment évoqués, on trouve dans ses films le groupe, la bande, les personnages à la solitude pesante. Très estimé d’Orson Welles, Ingmar Bergman et Jean Renoir, dans ses films où chacun est différent du précédent et du suivant, il donne une représentation pessimiste de la société française (hypocrisie, cléricalisme et mesquinerie). « Ce grand technicien, ce rigoriste, était un poète ».
Les interprètes : entourent Jean Gabin (Jean dit Jeannot), Charles Vanel( Charles dit Charlot) et Viviane Romance (Gina).
Fernand Charpin :( Antomarchi dans le film) Il naît le 30 mai 1887 à Marseille. Sergent durant la 1ère guerre mondiale, il est prisonnier en Allemagne et rapatrié en janvier 1919. Après des études au conservatoire, il devient une des valeurs sûres du théâtre de l’Odéon. Il fait la connaissance de Marcel Pagnol et de Raimu en 1928 et est choisi pour incarner Panisse dans la pièce Marius en 1929. Il le sera également au cinéma dans les 3 réalisations : 1931 (Alexandre Korda), 1932 (Marc Allégret, qui conçoit en 1935 Les beaux jours et en 1942 L’Arlésienne), 1936 (l’auteur). Pour Pagnol, il tourne également Le gendre de monsieur Poirier, Le Schpountz en 1937, La femme du boulanger en 1938, La fille du puisatier en 1940. La prière aux étoiles, 1941, est inachevé. Mais d’autres metteurs en scène lui offrent des rôles. Jean Renoir en 1932 : Chotard et cie ; Raymond Bernard en 1934 : Tartarin de Tarascon (Les otages en 1939) ; Jacques de Baroncelli avec Michel Strogoff et Julien Duvivier avec Pépé le Moko en 1936 ; Maurice Cloche en 1938 : Le petit Chose d’après Alphonse Daudet ; Henri Diamant-Berger, Le tourbillon de Paris et Le grand élan de Christian-Jaque en 1939 ; Yves Allégret, Les 2 timides en 1941 ; Jean Stelli, Le voile bleu et Léo Joannon, Le camion blanc en 1942 ; Jean Dréville, Les Roquevillard en 1943 ; Richard Pottier, Les caves du Majestic et André Cayatte, Le dernier soir en 1944. C’est l’ultime production de la société Continentale de films. L’acteur décède avant la fin du tournage : à cause des restrictions, l’ascenseur de son immeuble ne fonctionne pas et il est obligé de monter les 7 étages qui le séparent de son appartement. Victime d’une crise cardiaque il meurt le 7 novembre 1944 et repose au cimetière des Batignolles à Paris.
Robert Lynen : (René, frère de Raymond). Acteur et résistant, il naît dans le Jura le 24 mai 1920. Elève de l’école du spectacle, il est repéré à l’âge de 12 ans par Julien Duvivier avec lequel il tournera Poil de Carotte en 1932, Le petit roi en 1933, en 1937 L’homme du jour puis Un carnet de bal. Il devient Rémy dans Sans famille de Marc Allégret en 1934 puis retrouve Harry Baur dans Mollemard de Richard Siodmark. Il rencontre Louis Jouvet en 1938 devant la caméra d’Alexandre Esway pour Education de prince. A l’âge de 18 ans il est Daniel Eyssette dans Le petit chose de Maurice Cloche ( qui tourne également La vie est magnifique). En 1940, il joue dans Espoirs de Willy Rozier. Il est Zizou, son dernier rôle en 1941 dans Cap au large de J.P. Paulin.
Sous le pseudonyme d’Aiglon, il intègre le réseau de renseignement Alliance de la résistance à Toulon puis celui qui concerne les Etats majors allemands jusqu’à Bruxelles. Dénoncé par un officier français vendu aux Nazis, il est arrêté à Cassis le 7 ou le 8 février 1943. Après 2 tentatives d’évasion, il est condamné à mort par la cour martiale du Reich puis croupit sans nourriture dans la forteresse de Bruchsal près de Karlsruhe. Fusillé le 1er avril 1944 avec 13 autres membres de son réseau, il meurt en chantant la Marseillaise. Jeté dans une fosse commune, son corps est rapatrié en 1947. Lors d’une cérémonie aux Invalides, l’acteur reçoit, à titre posthume, la Croix de guerre et la médaille de la résistance française. Il repose dans le carré militaire du cimetière de Gentilly.
Raymond Aimos (Raymond dit Tintin) : Raymond Arthur Caudrilliers, né le 28 mars 1891 à la Fère dans l’Aisne est un des acteurs les plus populaires dans les seconds rôles de l’âge d’or du cinéma français entre les 2 guerres et le public choisit souvent les films lorsqu’il est présent au générique avec sa gouaille de titi et sa silhouette dégingandée. Fils d’horloger, il délaisse le métier paternel et devient artiste lyrique sous le pseudonyme d’Aimos. En 1910, il paraît dans un film muet Pendaison à Jefferson City de Jean Durand (sous la direction de celui-ci il joue dans les 3 opus d’Onésime) Mobilisé en 1914, il passe 4 ans dans les tranchées. En 1922, sous la direction d’Henri Diamant Berger il joue dans 20 ans après (et en 1937 dans Arsène Lupin détective avec Jules Berry). René Clair tourne Sous les toits de Paris en 1930 (14 juillet en 1933 et Le dernier milliardaire en 1934). En 1932 ce sont Les croix de bois de Raymond Bernard et Les as du turf de Serge de Poligny (auquel on doit également : Les rivaux de la poste et L’étoile de Valencia en 1933). Julien Duvivier lui confie plusieurs rôles : Le paquebot Tenacity en 1934, La bandera en 1935, Le Golem en 1936, L’homme du jour en 1937 avec Maurice Chevalier. En 1935 Christian-Jaque réalise Sous la griffe où il est Marcel près de Madeleine Ozeray (en 1939 ce sera Raphaël le tatoué) et Anatole Litvak L’équipage avec Anabella et Charles Vanel (l’année suivante : Mayerling). En 1936, Marc Allégret tourne Sous les yeux de l’occident et Les amants terribles, Léo Joannon L’homme sans cœur avec Pierre Renoir (en 1938 Alerte en Méditerranée avec Pierre Fresnay et en 1940 L’émigrante avec Edwige Feuillère). Pierre Chenal Les mutinés de l’Elseneur (1938 : La maison du Maltais avec Viviane Romance et Louis Jouvet). En 1938, Marcel Carné met en scène Quai des brumes et Jacques Feyder Les gens du voyage. Léonide Moguy le fait accompagner Jean-Pierre Aumont dans Le déserteur(ou Je t’attendrai). Il est Raymond avec Raimu dans Monsieur la souris de Georges Lacombe en 1942 et Ernest dans Lumières d’été de Jean Grémillon en 1943 avec Pierre Brasseur et Madeleine Renaud. Ce sont presque 115 films au cours desquels il a été clochard, vagabond, marin, ouvrier, routier, bagnard, mauvais garçon, cabot, poilu, coureur automobile…Il a tourné sous la direction de : Pierre Billon, Jacques de Baroncelli, Georges Neveux, Yves Allégret, Maurice Tourneur, René Pujol, Maurice de Canonge, Jean Boyer, Richard Potier, Sacha Guitry, Pierre Caron…
Durant la seconde guerre mondiale il organise des collectes et des distributions de repas pour les démunis et les prisonniers de guerre. Devenu caporal FFI, les circonstances de sa mort ne sont pas très précises. Il a été abattu lors de la Libération de Paris le 20 août 1944 à la gare du Nord alors qu’il circulait à bord d’une traction des FFI mitraillée par les Allemands. Déclaré mort, il est emmené à l’hôpital Saint-Louis mais les siens n’apprendront son décès que plus tard. Ses obsèques se déroulent le 8 septembre et un détachement de FFI présente les armes. Il repose à Chennevières-sur-Marne. Une plaque commémorative est accrochée au 48 du boulevard de Sébastopol.
Les autres destins autour du conflit : Roger Legris (1898-1981), qui est un garçon d’hôtel dans le film, acteur récurrent de Jean-Pierre Mocky, a été condamné à 4 ans d’exil pour prises de position collaborationniste. Charles Vanel, décoré de la Francisque n° 431 en octobre 1941 a été inquiété à la Libération. Il a expliqué son soutien au maréchal par ses souvenirs d’ancien combattant lors de la 1ère guerre mondiale (à laquelle il n’a pas participé). Jean Gabin engagé dans les forces navales françaises libres en 1943, participe à la Libération de Paris et reçoit la médaille militaire ainsi que la Croix de guerre en 1945. Ses cendres ont été dispersées au large de Brest avec les honneurs militaires le 19 novembre 1975.
.................................................................................................................Claudine