LE CINEMA POLONAIS est né à la fin du XIXème siècle sous le joug du tsar avec l’invention en 1894 du pléographe (caméra-projecteur) par K. Proszynski qui fonde en 1901 le premier studio de Pologne. L’année suivante les frères Matuzewski réalisent une dizaine de documentaires sur la vie à Varsovie et dans les cours impériales puis, à la suite de présentations d’images par les frères Lumière en novembre à Cracovie, deviennent leurs opérateurs. La 1ère salle de cinéma fixe est inaugurée en septembre 1899. Les martyrs de Pologne (retrouvé en 2000) est le plus ancien film polonais conservé. En 1909, Aleksander Hertz, directeur du Sfinks (1903) fonde le 1er vrai studio de production cinématographique et révèle des stars comme Pola Negri (Esclave des sens). En 1910, Ladislas Starewitch crée l’un des 1ers films d’animation au monde et sera le 1er à utiliser l’animation en volume. A cette période des documentaires, des longs métrages d’action et de reportages d’événements historiques sont réalisés et bien souvent perdus.
Entre les 2 guerres la production reste artisanale avec 30 longs métrages et 100 à 300 courts métrages réalisés par an. Les sociétés importantes sont Sfinks, Léo Film et Rex Film. Les actrices comme Pola Negri et Mia sont parties à Hollywood. La vedette est Jadwiga Smosarska. Entre les années 20 à 25 , une quinzaine de metteurs en scène sont notables dont Aleksander Hertz et Wiktor Bréganski qui luttent contre la théâtralisation du cinéma. Les thèmes dominants sont l’amour et l’inspiration patriotique. Mars 1921 : Miracle de la Vistule de Rjszard Boleslawski , dont seules 53 minutes sont conservées. Disparu également : La lépreuse de 1926, année où est tournée la 1ère histoire criminelle : Bouffon rouge d’Henryk Szard qui réalise l’année suivante les 1ères prises de vue en mer pour L’appel de la mer. En 1922, la société Gloria produit L’homme fort avec l’acteur russe Gregori Chmara et un opérateur italien pour la photographie expressionniste du film. Le dernier film muet s’intitule Vent de la mer. Des problèmes d’argent rendent la transition longue.
Le 1er film sonore est : La morale de Mme Dulska. Suivront des productions Paramount aux studios de Joinville avec un casting polonais qui sont un échec. Le 1er film parlant est Chacun a le droit d’aimer. En 1930, L. Buczkowski réalise le film le plus cher d’avant guerre, L’escadre étoilée, dont les copies ont été détruites. Au milieu des années 30, une relative stabilité technique et économique s’installe bien que les salles ferment les unes après les autres (800 en 1938 ; 4 en 1945). Les films, environ 10 par an, sont des copies de metteurs en scène comme René Clair ou King Vidor. Henry Wars, auteur, célèbre compositeur fera le tiers des musiques des 150 films du cinéma polonais d’avant guerre. Les acteurs sont : Adolf Dymsza, Eugenius Bodo (qui meurt au goulag), Adam Brodzisz. Le réalisateur Aleksander Ford réalise avec succès son 1er film sonore La légion de la rue en 1932. Il se joint à l’Association des Amateurs du Film Artistique, la Stuart, qui prend fin en 1931. Il appartient à un mouvement d’avant-garde qui prône un cinéma à haute valeur artistique et socialement utile. Il fonde avec d’autres la Coopérative d’Auteurs de Films (SAF) qui produit Peur en 1938 et Ceux de la Vistule.
Durant cette période existe aussi un cinéma yiddish animé par des cinéastes d’origine juive. Au début, ce sont des adaptations de pièces de théâtre ou d’œuvres d’auteurs intéressés par la thématique juive. Parmi les acteurs : le clan Kaminski. Le 1er film date de 1924 ; un nouveau montage est fait en 1932 et il est distribué en 1948. Des 19 films muets, aucun n’a survécu. Le 1er film yiddish parlant date de 1933 : Sabra. Aleksander Ford et d’autres rejoignent les frères Gosking (propriétaires de magazines de cinéma et de la société de production Sektor) et leur 1er film est un succès de même que Le Dubbuk en 1937 avec son décor qui ressemble à un cimetière.
Avec la seconde guerre mondiale, ce cinéma prend fin et les 2 frères Gosking émigrent en Israël.La guerre détruit ce jeune cinéma. L’industrie est pillée par les occupants allemands et soviétiques. Les acteurs et producteurs inscrits sur le Sonderfahndungsbuch se cachent ou émigrent (16% sont morts ou ont disparu). A l’étranger se forment des sections cinématographiques. En France une armée politique s’organise autour de Stanislas Rochowicz, ancien directeur de la photographie, le matériel et les finances venant des USA (1943 : Les funérailles du général Sikorski). A Londres, une autre équipe se monte avec à sa tête un ancien du groupe Stuart. 1940 et réalise This is Poland et 1942: The white eagle avec Leslie Howard. En URSS, La bataille de Monte Cassino en 1944 et La grande route en 1946 avec Irena Anders, la femme du général. Ceux qui ne les rejoignent pas sont avec Aleksander Ford le groupe le plus important. Un documentaire est produit : Nous le jurons à la terre en 1943 et l’année suivante, le 1er sur l’histoire des camps : Majdanek, le cimetière de l’Europe. En 1942, la résistance polonaise s’organise au sein du bureau de l’information avec des cinéastes-soldats : 3000m de film dont 1000 sont aux Etats Unis où ils servent de base au documentaire Les derniers jours de Varsovie. Pour le 70ème anniversaire du soulèvement Jan Konrasa utilise les images de l’insurrection de la ville. C’est le 1er film documentaire de guerre au monde monté sur d’authentiques chroniques d’actualités colorisées. Aux USA, Ernst Lubitsch tourne To be or not to be en 1942 sur une idée de Ryszard Ordynski. The land of my mother présente la patrie de Marie Curie. En 1944, Colour studies of Chopin rend hommage au musicien.
Après la guerre de profonds changements politiques apparaissent dans un pays détruit, surtout Varsovie. Un cinéma d’état contrôlé et financé par le pouvoir socialiste fait naître l’école politique du cinéma, c’est celui de l’inquiétude morale dont les réalisateurs inventent sans cesse un langage pour échapper à la censure. Aleksander Ford (en 1949 : La vérité sans frontières : sur la lutte du ghetto de Varsovie avant son extermination) et son équipe jouent un rôle essentiel dans la renaissance du 7ème art d’autant que les studios sont détruits. Film Polski, qui contrôle créations, productions et distributions, est créé le 13 novembre 1945 (cela devient en 1952 : Office Central du Cinéma). A Cracovie existe entre 1945 et 1947 un Institut du Cinéma. L’école supérieure du cinéma est installée à Lodz en 1948 et deviendra en 1959 l’Ecole Supérieure d’Art Dramatique et de Cinéma en comptant parmi ses élèves A. Wajda et R.Polanski. Beaucoup de documentaires sont censurés mais Inondations en Pologne remporte la Palme d’or dans sa catégorie. Citons deux autres films sur l’occupation allemande et les camps : Chansons interdites en 1947 de L. Buczkowski et La dernière étape chronique amusante sur la vie quotidienne des Varsoviens sous l’occupation,en 1948. 1ère comédie policière en 1949 : Une chaumière et un cœur.
Entre les années 1949 et 1956, les cinéastes ne peuvent exprimer leurs désirs artistiques et doivent suivre les directives. La production est faible, 3 à 4 films par an. Les jeunes ont des projets pour un cinéma nouveau mais sont obligés de réaliser des films de propagande politique. J. Zarzycki réalise Varsovie ville indomptée. J. Rybkowski avec Les 1ers jours et Aleksander Ford avec La richesse de Chopin échappent aux normes. En 1954 son 1er film en couleurs Les 5 de la rue Barska est primé à Cannes : le cinéma polonais prouve son existence à l’étranger. Le cinéma d’auteur est ouvert par J. Kavalerowicz avec Cellulose. En 1954, l’Etat confie à des associations de cinéastes la responsabilité du cinéma. La réforme est d’importance : les auteurs échappent aux contraintes. Sont tournés à Lodz des courts métrages sur les fléaux : vandalisme, prostitution, alcoolisme, crise du logement. L’écriture est très variée et vivante , tous les genres s’illustrent.
Avec la mort de Staline en 1953 et jusqu’en 1962, cette industrie prend de l’ampleur. En 1957, l’écrivain Tadeusz Konwicki reçoit à Venise le grand prix du festival pour Le dernier jour de l’été. Les chefs de l’école politique du cinéma (liquidée au début des années 60) qui participent à cette transformation en conférant à leurs productions un caractère social et en donnant pour cadre l’héroïsme sont : A.Munk (Eroica) et A. Wajda avec La lumière dans les ténèbres, Kamal, Lotna . En 1957, Ils aimaient la vie obtient le prix spécial du jury à Cannes. Les autres réalisateurs sont par exemple : W. Has (Chambre commune) et S. Lanartowicz. Le 16 février 1961, le cinéma est placé sous la tutelle du ministre de la culture et de l’art qui peut décider de l’arrêt d’un tournage. Les films historiques sont basés sur la littérature politique : Les chevaliers teutoniques d’A. Ford en 1961 ; Cendres d’A. Wajda et Le manuscrit trouvé à Saragosse (film à grand spectacle) de W. Has en 1965. Des sujets contemporains sont traités par la nouvelle vague à l’école de Lodz. Roman Polanski (né en 1933) reçoit avec Le couteau dans l’eau le prix de la sélection au festival de Cannes en 1962 puis quitte le pays. J. Skolimowski (né en 1938) tourne Signe particulier néant en 1964 et connaît des problèmes avec la censure.
De 1963 à 1967 de nouvelles contraintes et des difficultés financières sont un frein à la production. Aleksander Ford comme d’autres sont contraints à démissionner et à l’exil. La censure interne intervient à l’école de Lodz et les jeunes cinéastes sont bloqués. Les sujets juifs disparaissent du cinéma. Seule la Direction générale de la Cinématographie peut autoriser les productions. K. Zanussi : La structure de cristal ; Les jours de Mathieu, 1er long métrage de W. Leszczynski reçoit le grand prix de la jeune section à Cannes. A. Wajda réalise Tout est à vendre en 1969 et l’année suivante Le bois de bouleaux. La comédie se fait jour : le film le plus regardé est Comment j’ai provoqué la 2ème guerre mondiale de T. Chmielewski qui a débuté en 1957 avec Eva veut dormir. M. Piwowski : Croisière. S. Bareja sera le réalisateur le plus populaire de ce genre.
Dans les années 70, le gouvernement d’Edward Gierek apporte un certain changement : 20% de la production sont réservés aux nouveaux cinéastes. En 1972, A. Zulawski réalise La troisième partie de la nuit et J. Morgenstern Il faut tuer cet amour. En 1973, W. Has tourne La clepsydre et reçoit le Prix du Jury à Cannes. Avec son second film, Illumination, K. Zanussi est récompensé par le Grand Prix du Festival de Locarno. En 1976, A. Wajda adapte un roman de Joseph Conrad : Ligne d’ombre.
En 1978 le mouvement Solidarnösc et l’élection du pape Jean-Paul II entraînent un moment de liberté d’expression. Le cinéma traduit l’inquiétude morale et décrit la réalité en échappant à la censure. A. Wajda, qui a réalisé en 1976 L’homme de marbre reçoit la Palme d’or à Cannes pour L’homme de fer en 1981. Un Ours d’Argent récompense l’actrice B. Grabowska. En 1981, la loi martiale cible les « films étagère », qui sont interdits de diffusion. Les réalisations ainsi visées ne seront présentées qu’en 1987. On dissout le studio de Wajda. Danton et Un amour en Allemagne sont réalisés à l’étranger comme L’année du soleil calme de K. Zanussi, Lion d’Or et Grand Prix du jury à la Mostra de Venise en 1985.
Le 22 juillet 1983 l’état de guerre est aboli , un nouvel espoir naît et le cinéma populaire américain fait son entrée. Des sociétés privées émergent. En 1992 Héritage film collabore avec Costa Gavras pour La petite apocalypse et un an plus tard avec Steven Spielberg sur La liste de Schindler. Elle produit L’anneau de crin d’A. Wajda. Des cinéastes comme A. Zulawski rentrent d’exil. Le réalisateur peut ainsi terminer en 1988 Sur le globe d’argent commencé en 1977. Il réalise ensuite : L’important c’est d’aimer, Possession, L’amour braque, La femme publique et La note bleue. Le film de R. Polanski Le pianiste (avec le soutien de Canal + Polska) est nommé Palme d’or à Cannes. Mais le renouveau artistique ne se fait pas , les anciens ont du mal à se renouveler et les jeunes manquent de soutien financier. K. Kieslowski réalise en 1991 La double vie de Véronique et la trilogie des couleurs entre 1993 et 1994 : Bleu, Blanc et Rouge. A. Jakimowski tourne en 2002 Les yeux entr’ouverts. En 2003, la création de l’Institut Politique du Film permet un rebond de la production et de nombreux cinéastes reviennent sur le passé communiste : 2007 : A. Wajda : Katyn et 2009, B. Lankosz : Tribulations d’une amoureuse sous Staline. Le cinéma de W. Smarzowski est tourné vers le présent : La noce en 2004, Maison mauvaise en 2009 et Clergé en 2018. En 2013, Ida de P Pawlikowski reçoit l’Oscar du Meilleur Film Etranger. Le réalisateur avec Cold war outre le Prix de la Mise en Scène à Cannes reçoit le Prix du Cinéma Européen pour son travail, pour le film, pour le scénario, la meilleure actrice et le montage. En 2015 un Ours d’Argent récompense Body de M. Szumowska de même qu’en 2018 pour La face. En 2019, La communion de J. Komasa représente la Pologne aux Oscars.
Le cinéma d’animation tient également une grande place. W. Starewicz a, le premier, trouvé des effets spéciaux innovants. Avec L’œil et l’oreille, F. et Stefan Themerson ont opéré une recherche avant-gardiste. Les années 60 ont été l’âge d’or de la créativité. En 1991 Tango de T. Baginski est nommé aux Oscars. Récompense obtenue en 2007 pour Pierre et le loup de S. Templeton. Le travail de D. Kobiela, La passion Van Gogh, entièrement peint à la main est nominé en 2018.
Des festivals de cinéma sont organisés, en Pologne comme ceux du Film à Cracovie depuis 1961 ou le Festival International de Varsovie, mais aussi à l'étranger tels le Festival du Film Polonais à New York et à Seattle.
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